L214, la juteuse association anti-viande qui défend bien son bifteck financier
L’organisation, qui n’est pas reconnue d’utilite publique, n’est pas directement subventionnée. Mais l’essentiel de ses 5,2 millions d’euros de budget provient des adhésions qui affluent après chaque vidéo choc
Des députés LR, menés par Damien Abad (Ain), proposent de constituer une commission d’enquête sur les financements et les réseaux de L214, voyant en l’association la vitrine d’une nébuleuse activiste anti-viande.
De L214, on connaît surtout les vidéos. Insoutenables images de porcs malmenés à l’abattoir, poussins écrasés, agneaux écartelés vivants. A chaque fois, un choc, les gros titres des journaux. Mais la légitime indignation ne doit pas cacher l’envergure, les moyens et les buts réels de l’association.
Premier contresens à éviter : il ne s’agit pas de pratiquer l’élevage en offrant de meilleures conditions aux animaux, mais de l’abolir. L214 est née en 2008, en Alsace. Son nom se réfère à l’article du Code rural définissant les animaux comme « êtres sensibles ». C’est une organisation antispéciste : aux yeux de ses militants, l’humain est un animal comme un autre qui n’a pas à asservir ses semblables. Adieu, veaux, vaches, cochons, couvées mais aussi miel, œufs et lait, chevaux et chiens d’aveugles. Combien sont les antispécistes ? Dur à dire. On estime les vegans – qui appliquent l’idéologie à leur alimentation– à moins de 0,3 % de la population française.
L214, gentil petit groupe d’amis reflet de cette petite mouvance ? Second contresens. La lecture des comptes de l’association de loi 1908 (déclinaison alsacienne de la loi 1901) surprend. L214 ne crie pas misère. Non reconnue d’utilité publique, l’association ne bénéficie pas de subventions directes mais affiche des ressources confortables : 5,2 millions d’euros en 2017 ! « 3,2 millions d’euros proviennent de nos adhérents, précise le porte-parole et cofondateur Sébastien Arsac : nous en comptons 30 000 à jour de cotisation en 2017 ». Soit deux fois plus qu’en 2016.
L214 connaît une croissance fulgurante. « C’est grâce à nos vidéos », se réjouit Sébastien Arsac. Elles ont même poussé une députée EELV de la Marne, Laurence Abeille, à user de sa réserve parlementaire pour soutenir L214 « à hauteur de 4 000 euros », note le porte-parole.
Marketing de l’horreur. Plus détonnant, L214 a bénéficié, fin 2017, d’une subvention de 1,14 million d’euros de l’Open philanthropy project (OPP). Cette richissime structure californienne, qui n’est pas une ONG mais une LLC – une société privée américaine bénéficiant d’un régime fiscal avantageux –, a été créée par un des cofondateurs de Facebook, Dustin Moskovitz. Elle identifie des projets susceptibles de « faire évoluer l’humanité ». Le traitement des animaux est un de ses chevaux de bataille.
L214 est devenu une PME de 62 salariés – plutôt économe et transparente, d’ailleurs
En échange de son soutien financier, L214 s’est engagé à dénoncer les souffrances des volailles et à promouvoir le véganisme dans les universités. Sébastien Arsac minimise : «OPP finance des associations partout dans le monde, on peut difficilement lui prêter un projet de déstabiliser l’agriculture française par goût du protectionnisme américain. » Tout de même ! L’élevage français, déjà à vif, a toutes les raisons de s’inquiéter. Car avec ce gros chèque, L214 a les moyens de financer toujours plus de vidéos chocs. Un cercle vertueux pour ses finances : chaque fait d’armes stimule la boutique en ligne. « On y a vendu pour plus de 300 000 euros de produits dérivés (livres, vêtements…) en 2017 », note Vivien Brunel, responsable des finances.
Ma petite entreprise. Mais dans le détail, on trouve aussi une intéressante ligne dans les comptes de L214, appelée « subventions et autres concours publics » : L214 a perçu à ce titre 62 300 euros de l’Etat. De quoi s’agit-il ? « De l’aide l’embauche accordée à toutes les PME, achevée en 2017 », détaille Vivien Brunel. Car oui, L214 est bien devenu une PME de... 62 salariés ! Plutôt économe et transparente, d’ailleurs. Elle diffuse ses comptes sans barguigner : « Nous sommes tous payés de la même façon, 2 000 euros chacun, proclame Sébastien Arsac. Nous n’avons rien à cacher, contrairement à Lactalis ou Bigard ».
Aux questions, les équipes répondent clairement. « Une seule campagne d’affichage dans le métro en 2017 : 10 000 euros. Nos dépenses sont frugales : des frais d’impressions ; des locaux, un à Paris, l’autre à Villeurbanne. » L214 a terminé 2017 avec un trésor de guerre de 3,8 millions d’euros !
Pourtant, le député Les Républicains de l’Ain Damien Abad s’inquiète. C’est dans sa circonscription qu’un abattoir a été incendié, en septembre dernier. Un acte revendiqué par un « groupe bizarre » sur un site Internet. Damien Abad propose que son groupe à l’Assemblée monte une commission d’enquête parlementaire consacrée à l’antispécisme et à ce « terrorisme alimentaire » ; 75 députés LR le soutiennent. « Je ne remets pas en cause la liberté alimentaire, mais je suis soucieux de voir L214 recevoir autant de moyens pour faire du prosélytisme. »
Pour lui, l’association est la vitrine respectable d’une nébuleuse activiste comprenant incendiaires, veilleurs debout des abattoirs, vandales de boucheries. « Je veux savoir qui finance et promeut cette idéologie anti-viande, martèle Damien Abad. Et, surtout, quelles sont les ramifications de cette organisation devenue si puissante en si peu de temps. »
L’organisation, qui n’est pas reconnue d’utilite publique, n’est pas directement subventionnée. Mais l’essentiel de ses 5,2 millions d’euros de budget provient des adhésions qui affluent après chaque vidéo choc
Des députés LR, menés par Damien Abad (Ain), proposent de constituer une commission d’enquête sur les financements et les réseaux de L214, voyant en l’association la vitrine d’une nébuleuse activiste anti-viande.
De L214, on connaît surtout les vidéos. Insoutenables images de porcs malmenés à l’abattoir, poussins écrasés, agneaux écartelés vivants. A chaque fois, un choc, les gros titres des journaux. Mais la légitime indignation ne doit pas cacher l’envergure, les moyens et les buts réels de l’association.
Premier contresens à éviter : il ne s’agit pas de pratiquer l’élevage en offrant de meilleures conditions aux animaux, mais de l’abolir. L214 est née en 2008, en Alsace. Son nom se réfère à l’article du Code rural définissant les animaux comme « êtres sensibles ». C’est une organisation antispéciste : aux yeux de ses militants, l’humain est un animal comme un autre qui n’a pas à asservir ses semblables. Adieu, veaux, vaches, cochons, couvées mais aussi miel, œufs et lait, chevaux et chiens d’aveugles. Combien sont les antispécistes ? Dur à dire. On estime les vegans – qui appliquent l’idéologie à leur alimentation– à moins de 0,3 % de la population française.
L214, gentil petit groupe d’amis reflet de cette petite mouvance ? Second contresens. La lecture des comptes de l’association de loi 1908 (déclinaison alsacienne de la loi 1901) surprend. L214 ne crie pas misère. Non reconnue d’utilité publique, l’association ne bénéficie pas de subventions directes mais affiche des ressources confortables : 5,2 millions d’euros en 2017 ! « 3,2 millions d’euros proviennent de nos adhérents, précise le porte-parole et cofondateur Sébastien Arsac : nous en comptons 30 000 à jour de cotisation en 2017 ». Soit deux fois plus qu’en 2016.
L214 connaît une croissance fulgurante. « C’est grâce à nos vidéos », se réjouit Sébastien Arsac. Elles ont même poussé une députée EELV de la Marne, Laurence Abeille, à user de sa réserve parlementaire pour soutenir L214 « à hauteur de 4 000 euros », note le porte-parole.
Marketing de l’horreur. Plus détonnant, L214 a bénéficié, fin 2017, d’une subvention de 1,14 million d’euros de l’Open philanthropy project (OPP). Cette richissime structure californienne, qui n’est pas une ONG mais une LLC – une société privée américaine bénéficiant d’un régime fiscal avantageux –, a été créée par un des cofondateurs de Facebook, Dustin Moskovitz. Elle identifie des projets susceptibles de « faire évoluer l’humanité ». Le traitement des animaux est un de ses chevaux de bataille.
L214 est devenu une PME de 62 salariés – plutôt économe et transparente, d’ailleurs
En échange de son soutien financier, L214 s’est engagé à dénoncer les souffrances des volailles et à promouvoir le véganisme dans les universités. Sébastien Arsac minimise : «OPP finance des associations partout dans le monde, on peut difficilement lui prêter un projet de déstabiliser l’agriculture française par goût du protectionnisme américain. » Tout de même ! L’élevage français, déjà à vif, a toutes les raisons de s’inquiéter. Car avec ce gros chèque, L214 a les moyens de financer toujours plus de vidéos chocs. Un cercle vertueux pour ses finances : chaque fait d’armes stimule la boutique en ligne. « On y a vendu pour plus de 300 000 euros de produits dérivés (livres, vêtements…) en 2017 », note Vivien Brunel, responsable des finances.
Ma petite entreprise. Mais dans le détail, on trouve aussi une intéressante ligne dans les comptes de L214, appelée « subventions et autres concours publics » : L214 a perçu à ce titre 62 300 euros de l’Etat. De quoi s’agit-il ? « De l’aide l’embauche accordée à toutes les PME, achevée en 2017 », détaille Vivien Brunel. Car oui, L214 est bien devenu une PME de... 62 salariés ! Plutôt économe et transparente, d’ailleurs. Elle diffuse ses comptes sans barguigner : « Nous sommes tous payés de la même façon, 2 000 euros chacun, proclame Sébastien Arsac. Nous n’avons rien à cacher, contrairement à Lactalis ou Bigard ».
Aux questions, les équipes répondent clairement. « Une seule campagne d’affichage dans le métro en 2017 : 10 000 euros. Nos dépenses sont frugales : des frais d’impressions ; des locaux, un à Paris, l’autre à Villeurbanne. » L214 a terminé 2017 avec un trésor de guerre de 3,8 millions d’euros !
Pourtant, le député Les Républicains de l’Ain Damien Abad s’inquiète. C’est dans sa circonscription qu’un abattoir a été incendié, en septembre dernier. Un acte revendiqué par un « groupe bizarre » sur un site Internet. Damien Abad propose que son groupe à l’Assemblée monte une commission d’enquête parlementaire consacrée à l’antispécisme et à ce « terrorisme alimentaire » ; 75 députés LR le soutiennent. « Je ne remets pas en cause la liberté alimentaire, mais je suis soucieux de voir L214 recevoir autant de moyens pour faire du prosélytisme. »
Pour lui, l’association est la vitrine respectable d’une nébuleuse activiste comprenant incendiaires, veilleurs debout des abattoirs, vandales de boucheries. « Je veux savoir qui finance et promeut cette idéologie anti-viande, martèle Damien Abad. Et, surtout, quelles sont les ramifications de cette organisation devenue si puissante en si peu de temps. »