En septembre 2013, un agriculteur faisait construire une hutte de chasse sur une zone non-constructible et protégée à Ghyvelde, avec l’aval du maire qui lui donnait l’autorisation par courrier. Ce mardi, l’agriculteur était jugé devant le tribunal correctionnel de Dunkerque.
Alexis Constant | 22/05/2018
Pour le parquet de Dunkerque, la hutte de chasse, très rentable pour son propriétaire a été construite en toute illégalité. Le maire l’avait autorisée, mais dans un courrier informel. Pour le parquet de Dunkerque, la hutte de chasse, très rentable pour son propriétaire a été construite en toute illégalité. Le maire l’avait autorisée, mais dans un courrier informel.
Il y a plusieurs mois, le parquet reçoit un courrier anonyme signé « Un ami de la nature et des oiseaux ». Dans cette missive, il y est dénoncé la construction à Ghyvelde d’une hutte de chasse, d’un plan d’eau et d’une aire de stationnement en toute illégalité. Le parquet saisit les gendarmes pour une enquête.
Pas de numéro de hutte
En 2013, Christian, agriculteur retraité, a le projet de construire une hutte. Il s’adresse au maire de Ghyvelde qui lui fait un courrier stipulant qu’il peut ériger sa hutte de 28 m². Le hic, c’est qu’au-delà de 20 m², toute construction doit faire l’objet d’un permis de construire. À cette époque, Christian n’a pas encore obtenu de numéro de hutte, étape pourtant obligatoire s’il veut la faire construire. Mais il a la promesse écrite d’obtenir cette autorisation. Avec, croit-il, l’aval du maire, il se lance sans permis de construire dans les travaux. Les pelleteuses s’activent. Nous sommes à la fin de l’été 2013.
Plus tard, la gendarmerie, sommée d’enquêter, constatera que la hutte ne fait pas 28 m², mais qu’il y a 40 m² d’emprise au sol. En outre, se trouve une aire de stationnement bitumée de 14 m sur 5, pour une capacité de cinq véhicules, un plan d’eau creusé trop profond. Pour tout cela il aurait fallu, à la limite, un permis de construire. Mais il n’aurait jamais été délivré. Pourquoi ? Parce que la parcelle, classée par ailleurs zone d’intérêt écologique, est purement et simplement inconstructible selon le plan d’occupation des sols.
L’ambiguïté du maire
Ce mardi, devant le tribunal correctionnel, Christian a dû s’expliquer sur cette hutte illégale. Lui, brandit le courrier du maire comme preuve de sa bonne foi. « Il m’autorisait à le faire, moi je ne suis pas spécialiste en droit de la construction. S’il me dit que je peux le faire, j’ai pas de raison de me méfier. » Et d’ajouter : « Je ne comprends pas pourquoi il a joué double jeu. »
En effet, entendu par les gendarmes en raison de ce courrier d’autorisation administrative de construire la hutte et signé de sa main, le maire a fait mine de tomber de sa chaise devant les enquêteurs : « Je n’ai jamais donné aucune autorisation ! De toute façon, ce n’est pas possible. la zone est inconstructible, le refus aurait été catégorique. » Sauf que Christian a bien construit cette hutte, que ce n’était ni un secret à la mairie, ni pour les Ghyveldois ni pour les chasseurs qui ont acheté rapidement des actions. « C’est vrai que je connais très bien le maire », se défend Christian à la barre du tribunal, lorsque le parquet fait remarquer qu’ils semblent proches. Et la substitute du procureur de s’interroger : « C’est vrai qu’on a du mal à comprendre ce double jeu du maire. »
Les huttes? Un jackpot!
Les huttes de chasse peuvent constituer un très bon business, selon le parquet, qui assure que les transactions se font en liquide.
La substitute du procureur, dans ses réquisitions a clairement indiqué que les huttes étaient à l’origine d’un business juteux et que le parquet n’en était pas à sa première procédure : « Les huttes rapportent beaucoup d’argent en location. C’est pourquoi le parquet pense que monsieur Christian D. a forcé la légalité pour faire construire cette hutte. Les actions de chasse se négocient en liquide. Il y a ce qui est déclaré et le reste… En l’occurrence, pour deux saisons de chasse, Christan D. a déclaré 43 400 € de revenus sur cette hutte ».
Aussi, le parquet a-t-il réclamé que ces 43 400 € soient reversés sous forme d’amende, que la hutte soit détruite dans les six mois et le site écologique remis en état. Et de demander 1 000 € d’astreinte journalière en cas de non-exécution. Le jugement a été mis en délibéré. Il sera rendu le 4 juillet.