Quelles sont les règles lors de contrôles sur des propriétés privées ?
PAR PHILIPPE LANDELLE 28 JAN 2024 MIS À JOUR LE 28 JANVIER 2024
« private, Property »,French,Sign,On,A,Barbed,Wire,Fence,Of
Crédit photo : Shutterstock
Décriés comme insuffisants par les uns et estimés trop invasifs par les autres, quelles sont les règles lors de contrôles sur des propriétés privées ? Notre expert vous répond.
Malheureusement trop souvent sur fond de détresse ou de destins humains tragiques, la presse grand public est venue ces derniers mois s’intéresser aux contrôles en matière notamment environnementale sur les propriétés privées, car décriés comme insuffisants par les uns et estimés trop invasifs par les autres.
Ne nous trompons pas, ces contrôles, surtout lorsqu’ils touchent à la propriété privée, étaient déjà bien encadrés par la loi et limités. Au surplus, depuis ces dernières années, ces règles en matière de contrôle se sont encore resserrées tantôt par modifications législatives successives, tantôt par consignes, notamment, d’opérateurs publics. Petit tour d’horizon du cadre et des limites renforcées en la matière !
Contrôles sur des propriétés privées : dans les conditions et les limites fixées par les lois spéciales
En matière de contrôles administratifs comme en matière de mesures et suites administratives, les dispositions législatives et réglementaires ne sont – en l’état actuel des textes qui les régissent – toujours pas harmonisées.
Toutefois, au titre du Code de l’environnement et en ce qui concerne la police administrative (à ne pas confondre avec les prérogatives judiciaires notamment des inspecteurs de l’environnement dans le cadre en particulier de constatations ou d’enquêtes conformément au même Code(1) ), les contrôles opérés par les différents opérateurs publics doivent s’inscrire dans le régime prévu aux articles L171-1 à L171-5-2.
Où et quand ces contrôles sur des propriétés privées peuvent se dérouler ?
Aujourd’hui, les agents de contrôle ne peuvent accéder qu’aux locaux accueillant « des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du [Code de l’environnement](2) », à l’exclusion des domiciles ou de la partie des locaux à usage d’habitation. Ils ne peuvent pénétrer dans ces lieux qu’entre 8 h et 20 h pour effectuer leurs contrôles et, « en dehors de ces heures, lorsqu’ils sont ouverts au public ou lorsque sont en cours des opérations de production, de fabrication, de transformation, d’utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation mentionnées par le [Code de l’environnement](2) ».
Dans le même temps, la loi est venue recadrer l’accès pour les fonctionnaires et agents chargés des contrôles « aux autres lieux, notamment aux enclos ». Dans ces lieux « où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités soumises aux dispositions du Code de l’environnement », les contrôles pourront avoir lieu « à tout moment ». De même, il n’y a pas de conditions d’horaires pour opérer des contrôles administratifs dans les véhicules, bateaux et aéronefs.
Les agents de contrôle ont accès sous conditions aux locaux (…) soumis aux dispositions du Code de l’environnement, y compris aux domiciles.
Ainsi, les agents peuvent entrer à toute heure dans une propriété privée avec ou sans la présence de l’exploitant ou du propriétaire sauf dans les locaux précédemment cités(2) et sauf au domicile et dans les parties de locaux à usage d’habitation, où des horaires doivent être respectés. En cas de difficultés matérielles pour accéder aux lieux (un simple panneau de type « propriété privée, défense d’entrer » n’est d’ailleurs pas opposable aux fonctionnaires et agents chargés de la police administrative), ils peuvent contacter l’exploitant ou le propriétaire, ou à défaut leur représentant afin de l’aviser du contrôle et de la nécessaire ouverture du lieu à contrôler.
Contrôles dans les propriétés privées : peut-on y faire obstacle ?
Dans le cadre de ces contrôles administratifs, s’agissant de l’accès aux « domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation », l’accès est conditionné d’une part par l’assentiment de l’occupant des lieux (par exemple : exploitant, propriétaire, locataire ou préposé… ), et d’autre part par sa présence durant le contrôle.
En cas de simple refus d’accès formulé par l’occupant des lieux aux agents, il appartient au juge judiciaire des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter d’autoriser ou non cet accès par une ordonnance dans les limites du contrôle administratif envisagé.
Il en est de même pour les visites de « tous les véhicules », et ce, depuis les modifications législatives effectuées en 2019.
Ainsi, selon la loi dans ses dernières modifications, lorsque l’accès « aux lieux mentionnés aux 1° et 3° du I de l’article L171-1 » (locaux ouverts ou non au public avec conditions horaires et lorsque des activités sont en cours, et désormais tous les véhicules : navires, bateaux, embarcations… – avant la loi no 2019-773 du 24 juillet 2019, cela ne visait opportunément que les véhicules « à titre professionnel ») est refusé aux agents ou que la personne ayant qualité pour autoriser l’accès ne peut être atteinte, les visites ne peuvent être autorisées que par un magistrat du tribunal judiciaire. Ainsi, dans ces situations, ce ne pourra être que par présentation et sur la base de cette ordonnance que le contrôle se déroulera. À ce stade, en cas de nouveau refus d’accès exprimé par l’occupant des lieux, un tel comportement pourra être constitutif du délit d’obstacle aux fonctions.
Quels sont les moyens à disposition des agents lors du contrôle administratif pour assurer leurs vérifications (3) ?
Brièvement, les agents chargés du contrôle peuvent se faire communiquer et prendre copie des documents qui sont relatifs à l’objet du contrôle, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Ils ne pourront toutefois emporter les documents originaux, qui seront restitués, qu’après en avoir dressé la liste qui sera contresignée par leur détenteur. Ils peuvent prélever ou faire prélever des échantillons en vue d’analyses ou d’essais. Ces échantillons doivent être placés sous scellés administratifs. Ils peuvent aussi être assistés, lors des contrôles, d’experts désignés par le préfet. Enfin, les fonctionnaires et agents chargés des contrôles peuvent recueillir, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications propres à l’accomplissement de leur mission. Il s’agit donc ici d’un recueil de « renseignements », et non d’une « audition » qui, elle, relève d’un régime bien distinct issu des prérogatives judiciaires des inspecteurs de l’environnement et conditionné par une saisine judiciaire.
Si vous êtes en infraction
Le fait de faire obstacle aux fonctions exercées par les fonctionnaires et agents habilités à exercer des missions de contrôle administratif en application du Code de l’environnement est puni au maximum de six mois d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (art. L173-4 C. env.). À noter : s’agissant des locaux accueillant des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du Code de l’environnement, du domicile ou des parties de locaux à usage d’habitation ou encore s’agissant des véhicules (inclus depuis la loi du 24 juillet 2019), l’occupant est en droit d’opposer un premier refus de visite. Seul un deuxième refus opposé après présentation de l’ordonnance sera susceptible de caractériser un obstacle aux fonctions exercées par les fonctionnaires et agents. En revanche, le premier refus de visite opposé à la visite des autres lieux, notamment des enclos, où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités soumises aux dispositions du Code de l’environnement, visitables à tout moment, sera susceptible à lui seul de caractériser l’obstacle au contrôle.
En savoir plus
Il ne sera fait ici mention que des prérogatives de contrôle, et non de celles ouvertes aux inspecteurs de l’environnement dans le cadre du régime d’enquête spécial du Code de l’environnement.
Art. 4 de la loi no 2023-54 du 2 février 2023.
Art. L171-3 et s. C. env.
Vous pouvez également consulter notre site : www.ofb.gouv.fr
Par Dr Philippe Landelle, expert juridique
PAR PHILIPPE LANDELLE 28 JAN 2024 MIS À JOUR LE 28 JANVIER 2024
« private, Property »,French,Sign,On,A,Barbed,Wire,Fence,Of
Crédit photo : Shutterstock
Décriés comme insuffisants par les uns et estimés trop invasifs par les autres, quelles sont les règles lors de contrôles sur des propriétés privées ? Notre expert vous répond.
Malheureusement trop souvent sur fond de détresse ou de destins humains tragiques, la presse grand public est venue ces derniers mois s’intéresser aux contrôles en matière notamment environnementale sur les propriétés privées, car décriés comme insuffisants par les uns et estimés trop invasifs par les autres.
Ne nous trompons pas, ces contrôles, surtout lorsqu’ils touchent à la propriété privée, étaient déjà bien encadrés par la loi et limités. Au surplus, depuis ces dernières années, ces règles en matière de contrôle se sont encore resserrées tantôt par modifications législatives successives, tantôt par consignes, notamment, d’opérateurs publics. Petit tour d’horizon du cadre et des limites renforcées en la matière !
Contrôles sur des propriétés privées : dans les conditions et les limites fixées par les lois spéciales
En matière de contrôles administratifs comme en matière de mesures et suites administratives, les dispositions législatives et réglementaires ne sont – en l’état actuel des textes qui les régissent – toujours pas harmonisées.
Toutefois, au titre du Code de l’environnement et en ce qui concerne la police administrative (à ne pas confondre avec les prérogatives judiciaires notamment des inspecteurs de l’environnement dans le cadre en particulier de constatations ou d’enquêtes conformément au même Code(1) ), les contrôles opérés par les différents opérateurs publics doivent s’inscrire dans le régime prévu aux articles L171-1 à L171-5-2.
Où et quand ces contrôles sur des propriétés privées peuvent se dérouler ?
Aujourd’hui, les agents de contrôle ne peuvent accéder qu’aux locaux accueillant « des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du [Code de l’environnement](2) », à l’exclusion des domiciles ou de la partie des locaux à usage d’habitation. Ils ne peuvent pénétrer dans ces lieux qu’entre 8 h et 20 h pour effectuer leurs contrôles et, « en dehors de ces heures, lorsqu’ils sont ouverts au public ou lorsque sont en cours des opérations de production, de fabrication, de transformation, d’utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation mentionnées par le [Code de l’environnement](2) ».
Dans le même temps, la loi est venue recadrer l’accès pour les fonctionnaires et agents chargés des contrôles « aux autres lieux, notamment aux enclos ». Dans ces lieux « où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités soumises aux dispositions du Code de l’environnement », les contrôles pourront avoir lieu « à tout moment ». De même, il n’y a pas de conditions d’horaires pour opérer des contrôles administratifs dans les véhicules, bateaux et aéronefs.
Les agents de contrôle ont accès sous conditions aux locaux (…) soumis aux dispositions du Code de l’environnement, y compris aux domiciles.
Ainsi, les agents peuvent entrer à toute heure dans une propriété privée avec ou sans la présence de l’exploitant ou du propriétaire sauf dans les locaux précédemment cités(2) et sauf au domicile et dans les parties de locaux à usage d’habitation, où des horaires doivent être respectés. En cas de difficultés matérielles pour accéder aux lieux (un simple panneau de type « propriété privée, défense d’entrer » n’est d’ailleurs pas opposable aux fonctionnaires et agents chargés de la police administrative), ils peuvent contacter l’exploitant ou le propriétaire, ou à défaut leur représentant afin de l’aviser du contrôle et de la nécessaire ouverture du lieu à contrôler.
Contrôles dans les propriétés privées : peut-on y faire obstacle ?
Dans le cadre de ces contrôles administratifs, s’agissant de l’accès aux « domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation », l’accès est conditionné d’une part par l’assentiment de l’occupant des lieux (par exemple : exploitant, propriétaire, locataire ou préposé… ), et d’autre part par sa présence durant le contrôle.
En cas de simple refus d’accès formulé par l’occupant des lieux aux agents, il appartient au juge judiciaire des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter d’autoriser ou non cet accès par une ordonnance dans les limites du contrôle administratif envisagé.
Il en est de même pour les visites de « tous les véhicules », et ce, depuis les modifications législatives effectuées en 2019.
Ainsi, selon la loi dans ses dernières modifications, lorsque l’accès « aux lieux mentionnés aux 1° et 3° du I de l’article L171-1 » (locaux ouverts ou non au public avec conditions horaires et lorsque des activités sont en cours, et désormais tous les véhicules : navires, bateaux, embarcations… – avant la loi no 2019-773 du 24 juillet 2019, cela ne visait opportunément que les véhicules « à titre professionnel ») est refusé aux agents ou que la personne ayant qualité pour autoriser l’accès ne peut être atteinte, les visites ne peuvent être autorisées que par un magistrat du tribunal judiciaire. Ainsi, dans ces situations, ce ne pourra être que par présentation et sur la base de cette ordonnance que le contrôle se déroulera. À ce stade, en cas de nouveau refus d’accès exprimé par l’occupant des lieux, un tel comportement pourra être constitutif du délit d’obstacle aux fonctions.
Quels sont les moyens à disposition des agents lors du contrôle administratif pour assurer leurs vérifications (3) ?
Brièvement, les agents chargés du contrôle peuvent se faire communiquer et prendre copie des documents qui sont relatifs à l’objet du contrôle, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Ils ne pourront toutefois emporter les documents originaux, qui seront restitués, qu’après en avoir dressé la liste qui sera contresignée par leur détenteur. Ils peuvent prélever ou faire prélever des échantillons en vue d’analyses ou d’essais. Ces échantillons doivent être placés sous scellés administratifs. Ils peuvent aussi être assistés, lors des contrôles, d’experts désignés par le préfet. Enfin, les fonctionnaires et agents chargés des contrôles peuvent recueillir, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications propres à l’accomplissement de leur mission. Il s’agit donc ici d’un recueil de « renseignements », et non d’une « audition » qui, elle, relève d’un régime bien distinct issu des prérogatives judiciaires des inspecteurs de l’environnement et conditionné par une saisine judiciaire.
Si vous êtes en infraction
Le fait de faire obstacle aux fonctions exercées par les fonctionnaires et agents habilités à exercer des missions de contrôle administratif en application du Code de l’environnement est puni au maximum de six mois d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (art. L173-4 C. env.). À noter : s’agissant des locaux accueillant des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du Code de l’environnement, du domicile ou des parties de locaux à usage d’habitation ou encore s’agissant des véhicules (inclus depuis la loi du 24 juillet 2019), l’occupant est en droit d’opposer un premier refus de visite. Seul un deuxième refus opposé après présentation de l’ordonnance sera susceptible de caractériser un obstacle aux fonctions exercées par les fonctionnaires et agents. En revanche, le premier refus de visite opposé à la visite des autres lieux, notamment des enclos, où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités soumises aux dispositions du Code de l’environnement, visitables à tout moment, sera susceptible à lui seul de caractériser l’obstacle au contrôle.
En savoir plus
Il ne sera fait ici mention que des prérogatives de contrôle, et non de celles ouvertes aux inspecteurs de l’environnement dans le cadre du régime d’enquête spécial du Code de l’environnement.
Art. 4 de la loi no 2023-54 du 2 février 2023.
Art. L171-3 et s. C. env.
Vous pouvez également consulter notre site : www.ofb.gouv.fr
Par Dr Philippe Landelle, expert juridique